Les pyramides attirent toujours les visiteurs. L’ambiance, l’odeur, le mystère sur leur construction et sur leur contenu encore secret font que chaque visite est un moment chargé d’émotions.
S’il est une pyramide qu’il ne faut jamais visiter c’est la pyramide de Bird.
La visite commence au niveau du sol, on y entre par la porte des Situations Dangereuses. Seuls ceux qui sont en situation Dangereuse y pénètrent.
La visite terminée, les visiteurs ressortiront par là où ils sont rentrés. Pas tous. Que seront devenus les autres ?
Ils auront rencontré la MOMIE de la pyramide. Elle les aura surpris. Peu la rencontre. Et lorsqu’ils l’auront croisée ils auront tenté d’y échapper. Certains y seront parvenus par chance et avec grande frayeur seront ressortis à l’étage supérieur, celui des presqu’accidents. D’autres se seront fait attraper mais seront tout de même parvenus à sortir à l’étage au-dessus, celui des accidents sans arrêt de travail. Ils auront peut-être encore sur eux des traces de la main de la momie. Ceux la seront rentré chez eux.
Malheureusement les autres qui étaient en visite ne seront pas ressortis indemnes.
Accidentés plus ou moins gravement, parfois mutilés ou décédés, ils seront ressortis par le haut de la pyramide.
Celui qui ne veux pas risquer de rencontrer la MOMIE ne rentre pas dans la pyramide et ne se place pas en situation dangereuse.
C’est quoi cette MOMIE ?
En accidentologie c’est l’évènement déclencheur de l’accident. C’est un évènement imprévu qui est venu surprendre la personne en situation dangereuse et qui a dépassé sa capacité d’adaptation.
L’origine de l’événement peut être d’ordre Technique, matérielle, ou bien d’ordre Humaine, sinon Environnementale. Sans cet imprévu l’action dangereuse se serait terminée correctement. La situation dangereuse aurait alors été « effacée », « gommée » par la prise de risque et les causes non identifiées.
Plus le niveau de risque est élevé, plus il est facile de déstabiliser la personne.
Le même imprévu survenant dans une situation sécurisée n’aurait certainement pas eu les mêmes conséquences.
Dans la pyramide de l’accidentologie(1) se cache une autre pyramide , diluée dans l’ensemble des évènements, sournoise. Celle des accidents graves (3). Les accidents graves ont pour origine les situations dangereuses potentiellement graves. Les autres situations dangereuses ne pourraient engendrer que des accidents sans gravité majeure. Comment la faire apparaitre (3) ? Il suffirait d’analyser chaque évènement remonté, situations dangereuses, Incidents, Presqu’accidents ou les accidents et de se poser la question : est-ce que cet évènement aurait pu conduire à un accident grave ? si oui l’évènement est classé à haut potentiel de gravité. High Potential, HiPo. (2). il change de couleur.
Donc il apparait possible de réduire, voire de supprimer les accidents graves en s’attaquant prioritairement aux HiPo.Chasser les HiPo. Ne pas s’éparpiller sur les autres évènements. Prioriser et se mobiliser sur la recherche des causes profondes des HiPo et les traiter permettra de purger la pyramide de Bird des évènements HiPo (4). La forme de la pyramide aura évoluée (5) et il restera alors à poursuivre les actions sur les accidents moins graves.
« Chasser les HiPo », outre le fait d’écrêter la pyramide, a aussi pour conséquence d’en réduire son volume. Le Taux de fréquence décroit.
Les HiPo sont souvent appelés les EHP : Évènements à Haut Potentiel
La force d’une chaîne est celle de son maillon faible. Le maillon faible affaiblit la force de la chaîne et peut produire sa rupture, provoquer l’accident.
Le maillon faible peut être chacun de nous.
Oubli, erreur, transgression, banalisation, procrastination, pas convaincu, charge mentale, tourné la tête, commencé la phrase par « oui mais tu comprends… ».
Nous y avons tous contribué. Chacun a été un maillon faible. Peut-être le sommes nous encore parfois.
Mais pour autant cela n’a pas provoqué d’évènement fâcheux. Pourquoi ?
Certainement parce qu’autour de nous, d’autres personnes ont compensé notre écart, sans que l’on en soit informé. Comment ?
Elles ont juste rallongé leur maillon. Elles ont fait un peu plus que ce que l’on attendait d’elles. Plus que de se dire concerné par la sécurité, elles se sont impliquées. Elles ont absorbé notre défaillance.
Le problème est que cette compensation des autres qui a effacé notre manque peut nous amener à penser que cet écart n’est pas si grave. Alors naturellement nous pourrions nous satisfaire de notre rendu et reproduire de plus en plus cet écart.
Imaginons que d’autres soient dans la même dérive. Un jour nos écarts seront synchrones et nous seront alors plusieurs maillons faibles joints. Les quelques personnes encore impliquées ne parviendront pas à rétablir la force de la chaîne.
Nous venons alors de créer, collectivement, une situation dangereuse dont la victime serait ou pas complice.
La situation dangereuse est une défaillance collective de plusieurs niveaux hiérarchiques.
film « Le moment de vérité » de SUVA illustrant cette responsabilité collective.
Nous sommes tous d’accord avec cet objectif. Comment l’atteindre tout en produisant ?
Bird Jr a étudié en 1969 plus de 1,7 million d’accidents. En statistique plus la base de données étudiée est grande, plus le niveau de confiance aux conclusions est grand.
Il a mis en évidence une certaine logique reliant la gravité d’un accident et le nombre de situations dangereuses.
Il est apparu après enquête sur les accidents que ceux-ci avaient été précédés de presqu’accidents. Il avait été relaté aussi des incidents et des situations dangereuses connues et acceptées.
Le lien était évident.
La représentation de l’accidentologie a une forme pyramidale.
La pyramide de Bird.
Une autre analogie est celle de l’iceberg, où la partie visible, émergée, est la partie où l’accident s’est produit et la partie invisible, immergée, est celle des situations dangereuses, des incidents et des presqu’accidents.
Si l’on veut réduire le haut, il faut réduire le bas. Il faut faire fondre le glaçon !
Reprenons l’image de la pyramide. A sa base, ses fondations, énormes, on peut y observer les Situations Dangereuses, SD, qui sont restées à l’état de situations dangereuses. Là où les hommes travaillent en danger, là où l’activité n’est pas sécurisée. Les Hommes pourraient potentiellement se blesser ou blesser quelqu’un. Si tel était le cas, lors de l’analyse de l’accident la situation dangereuse vécue apparaitrait comme une évidence et comme étant la cause de l’accident. Cependant à la fin de l’action ils sont tous rentrés chez eux. Il ne s’est rien passé d’autre. Certains comptent sur leur chance et malheureusement reproduiront l’action dans les mêmes conditions, puisque çà a marché aujourd’hui. « il n’y a qu’à faire attention ! » diront-ils. D’autres personnes ont compris que le début du problème était à ce niveau et travaillerons à le réduire.
Certaines de ces actions se transforment parfois en Presqu’Accident du Travail, PAT. L’accident se déclenche mais par chance, la personne n’est pas touchée. Elle avait un en poche sans le savoir. Tout le monde rentre chez soi. Certaines personnes auront eu peur et diront pour se rassurer que cela fait partie des risques du métier, que l’on ne peut pas tout prévoir. « Il faudra faire plus attention ! ». D’autres personnes auront compris ces signaux faibles et les traiteront comme un accident pour en connaître la cause. La communication est transparente, le management est mobilisé sur ce sujet.
Parfois ces actions dégénèrent en évènement qui aurait pu faire mal à quelqu’un mais heureusement il n’y avait personne, c’est l’incident. Certains diront qu’on a eu chaud, , « heureusement il n’y avait personne ! ». D’autres personnes identifieront une anomalie et la traiteront comme un PAT.
Et parfois une personne sera touchée. C’est l’accident.
Soit l’accident n’est pas grave au point de stopper le travail, il n’y a pas d’arrêt de travail, c’est l’Accident Sans AT, ASAT. Il est connu ou pas de l’employeur. La victime est rentrée chez elle et revenue le lendemain. Certains diront » on a eu de la chance, c’est pas grave ! ». D’autres ayant compris que ce n’est pas les conséquences qui font l’intérêt mais les causes, l’analyseront avec autant de perspicacité qu’un accident plus grave.
Soit les conséquences nécessiteront un arrêt de travail pour permettre à la victime de se soigner, peut-être une hospitalisation plus ou moins longue. A la fin de son arrêt de travail, elle reprendra son poste. C’est l’Accident avec Arrêt de Travail, AAT.. « il n’a pas eu de chance ! » diront les mêmes. D’autres au chevet de la victime mettront déjà en place des mesures rapides et analyseront les causes jusqu’aux causes profondes, les racines du problème.
Peut-être la victime sera-t-elle marquée à vie par des traces irréversibles, elle sera alors handicapée, en Incapacité Permanente, IP.
Soit c’est l’accident fatal et la victime décèdera. Elle est alors au sommet de la pyramide.
Les conséquences d’un accident dépendent de deux paramètres :
1) La chance qui est en fait la conjonction de petits riens qui ce jour là ont fait que çà s’est pas trop mal terminé. Cette chance sauve les gens parfois. Mais on ne peut pas compter dessus.
-2) L’adéquation entre la protection et le danger.
Protéger l’homme efficacement en fonction du danger permet de réduire les conséquences de l’accident. Mais les protections, collectives ou individuelles, ne font pas de miracle et ont toujours des limites. L’accidentologie routière en est malheureusement la preuve. De plus la protection n’arrive qu’à la huitième position des Principes Généraux de Prévention. D’autres actions sont attendues avant, bien plus efficaces.